VIII. Philosophie
Pourquoi l'avenir des entreprises passe aussi par la philosophie
Pendant plus d'un demi‑siècle, les entreprises ont été guidées par une formule devenue dogme. En 1970, Milton Friedman écrivait dans le New York Times que « la seule responsabilité sociale d'une entreprise est d'accroître ses bénéfices ». Cette idée a façonné des générations de dirigeants et alimenté une vision de l'entreprise réduite à un simple instrument financier. Mais cette logique du court terme a laissé derrière elle un paysage de faillites retentissantes et une perte de confiance. Aujourd'hui, elle semble de plus en plus décalée face aux attentes des salariés, des clients et de la société.
La philosophie offre une alternative. Aristote affirmait que toute action humaine tend vers un bien : appliqué à l'entreprise, ce principe signifie que la finalité ne peut se limiter au chiffre d'affaires, mais doit inclure la justice et la contribution au bien commun. Kant rappelait de son côté que nos actes doivent pouvoir devenir des règles universelles -un avertissement clair contre la tentation de justifier l'injustifiable au nom de la rentabilité. Quant au stoïcisme, il propose une boussole intérieure : apprendre à distinguer ce qui dépend de nous -la qualité de nos choix, notre intégrité- de ce qui échappe à notre contrôle. Ces pensées, issues de siècles lointains, résonnent avec une acuité surprenante dans les bureaux des entreprises d'aujourd'hui.
Derrière ces leçons se dessine une transformation profonde. L'entreprise ne peut plus être seulement une machine à produire de la valeur pour l'actionnaire : elle devient une communauté où l'on cherche un sens, un lieu où chacun contribue à un projet collectif. Les nouvelles générations ne s'y trompent pas : elles attendent cohérence, responsabilité sociale et engagement environnemental. Intégrer la philosophie dans la gouvernance n'est pas une coquetterie intellectuelle, mais une nécessité stratégique. Car au fond, la question essentielle n'est plus seulement « combien cela rapporte ? », mais « quel monde voulons‑nous construire à travers nos entreprises ? ».