III. Sociétés
Vie sociale contre réseaux asociaux… vraiment ?
L'opposition serait arrêtée, le camp du bien et celui du mal parfaitement attribués. A la solitude garantie par l'utilisation acharnée des réseaux sociaux s'opposerait l'excitation de « vies réelles » : celles des rencontres, de l'ébullition des contacts entre les hommes et femmes socialisés. Surtout, au brassage des vies, des expériences et des profils garanti par la vie réelle s'opposerait l'entre‑soi du monde immatériel des réseaux sociaux, incapables de stimuler l'affectio societatis, la volonté pure et désintéressée d'association que décrivait Jean‑Jacques Rousseau.
Et si ces dualités, que les mondes médiatique et politique se plaisent à manipuler, se révélait aussi pratique à mobiliser que paresseuse ? Et si elle répondait d'une répartition des rôles datée, périmée : celle qui attribue à la vie réelle le mérite des rencontres en tout genre ? C'est en tout cas ce que laisse penser un indicateur saisissant qui tempère cette représentation, issu d'une étude réalisée par Viavoice et BloomTime pour la MACIF en partenariat avec la Fondation Jean Jaurès, dans le cadre de l'Observatoire des démutualisations. Non seulement la tendance des réseaux sociaux à « faire se regrouper des gens qui se ressemblent » n'est pas un constat majoritaire dans l'opinion (38 %), mais près d'un Français sur deux estime même l'inverse, que cette tendance à l'entre‑soi est même moins forte sur les réseaux sociaux que dans la vie réelle (48 %) ! Un regard sur les avis tranchés suffit à confirmer cette tendance : si 10 % des Français estiment que la tendance à se regrouper entre gens qui se ressemblent sur les réseaux est « beaucoup plus importante que dans la vraie vie », ils sont deux plus fois nombreux à se retrouver derrière l'affirmation inverse (« beaucoup moins importante que dans la vraie vie » : 20 %). Ces données donnent à voir un paradoxe. Tout le monde s'accorde à pointer du doigt les fractures qui minent les liens sociaux mais personne n'en tire les conséquences : si les réseaux sociaux peuvent évidemment en être une cause, ils sont aussi pour certains une porte de sortie à une société française incapable d'être véritablement « sociale ». De quoi mettre à jour un regard que l'on se plaît trop souvent à poser sur ces objets et qui, tant qu'il ne sera pas affiné, nous empêchera de « voir ce que l'on voit ».
Lien vers le communiqué de presse de la MACIF :
Communiqué de presse de la MACIF
Par Adrien Broche, Responsable des études politiques, Viavoice
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Portrait moderne de la gauche française